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UNE JUSTICE MALMENÉE. Seul contre deux de ses collègues militants du RHDP, Gueu Patrice (avocat des requérants pour la radiation de Tidjane Thiam) et Abdoulaye Ben Méité (avocat de l'Etat), Me Dadjé Rodrigue, conseil du président du PDCI-RDA, a fait mieux que tirer son épingle du jeu, dimanche 4 mai 2025, dans un débat sur une chaîne de télévision.

Le dossier de la nationalité ivoirienne de son client, qui était dans le brouillard après les sorties plutôt brouillonnes de Mes Blessy Jean-Chrisostome et Mathias Chichportich, membres du conseil de Thiam, reprend du poil de la bête.

Et pour commencer à retourner la situation passablement compromise de Cheick Tidjane Thiam, Me Dadjé Rodrigue s'est appuyé et a exploité techniquement les failles et les contradictions flagrantes de l'institution judiciaire, qui créent un désordre.

D'une part, le 10 avril 2025, Mme Touré Aminata épouse Touré, présidente du tribunal de 1ère instance d'Abidjan-Plateau, a sursis à la délivrance d'un certificat de nationalité ivoirienne à Tidjane Thiam. Et c'est une faute.

Car, selon le magistrat Augustin Kouamé Yao, directeur des Affaires civiles et pénales (DACP) du ministère de la Justice, en renonçant, le 19 mars 2025, soit 20 jours plus tôt, à la nationalité française, le président de l'ex-parti unique devenait automatiquement Ivoirien, auquel un certificat de nationalité ne pouvait être refusé au risque de le rendre apatride.

D'autre part, Tidjane Thiam a régulièrement été inscrit sur la liste électorale, en 2022 et 2024, en produisant un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 8 juin 2020. Mais patatras! Par une décision, sans recours, en date du 22 avril 2025, le tribunal d'Abidjan a ordonné sa radiation de cette liste au motif que, s'étant naturalisé français en ...1987, il a perdu automatiquement la nationalité ivoirienne, au nom de l'article 48 du Code de la nationalité. Et là aussi, c'est une faute qu'a pourtant soutenue, le 28 avril, le DACP.

En effet, dans une réponse à des internautes sur la question de la nationalité et l'application de l'article 48 du Code de nationalité, Jean Kambilé Sansan, ministre de la Justice, mettait en garde contre des oukaze.

« Il apparaît que la preuve contraire au certificat de nationalité délivré par le juge ne peut se faire que par la voie de la procédure de '’contestation de nationalité'’, régie par le Code de la nationalité, qui dispose en son article 77 nouveau que la juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des ‘'contestations sur la nationalité", écrit-il avant de préciser, en mettant les points sur les "i": "Or, en cette matière, c'est uniquement le procureur de la République qui a seule qualité pour intenter, contre tout individu, une action dont l'objet principal et direct est d'établir si celui-ci a ou n'a pas la nationalité ivoirienne (article 83 du Code de nationalité) ».

Il revient ainsi que, par un abus de pouvoir, la justice a outrepassé ses fonctions sur le cas Thiam. Contrairement à la Commission électorale indépendante (CEI), ayant statué sur pièces pour rejeter les demandes des requérants, le temple de Thémis s'est fourvoyé en répondant favorablement aux requêtes des parties demanderesses, qui ne peuvent se substituer au procureur de la République.

C'est pourquoi Me Adjé Luc, porte-parole des avocats de Thiam, a annoncé le dépôt d'un recours pour annuler la décision prononcée. « Cette décision n'existe pas; elle ne peut pas produire d'effet », a-t-il analysé.

La cacophonie et la confusion étant à leur comble, la justice se trouve alors malmenée. Et la naturalisation française de Thiam, en 1987, qualifiée de surabondance par ses défenseurs, se découvre l'arme de déconstruction du président du PDCI-RDA. « Où a-t-on vu un Sénégalais ou un Kenyan d'origine ou de naissance se faire naturalisé Sénégalais ou Kenyan!? C'est une aberration », fulminent autorités et détracteurs de Thiam, qui estiment qu'il « n'a qu'à s'en prendre à lui-même et non à la justice ou au pouvoir ».

A ce jeu et mettant en doute l'authenticité de tous les documents fournis - copies du registre d'état civil européen de Tidjane et de sa soeur Ndeye sur lesquelles il est écrit que leur père, Amadou Thiam, est citoyen français de naissance - pour prouver la binationalité ivoiro-française subie de Tidjane Thiam, la justice les a assimilés à des "feuilles volantes" et les a rejetés. Et le bras de fer judiciaire vient de commencer pour une présidentielle électrique et à hauts risques.

Une contribution de F. M. Bally