Côte d’Ivoire : « Se soigner est-il un luxe dans un pays ou tout va bien ? »
Quand les gouvernants décident officiellement de se soigner en Europe, le peuple souffre : entre fracture sociale et une perte de confiance, Tidjane Thiam au secours
La fuite des gouvernants : une fracture sociale et une perte de confiance
Les élus et hauts responsables politiques préfèrent se faire soigner en Europe, dans des cliniques privées aux équipements modernes. Ils viennent même de signer avec une compagnie aérienne française pour faciliter leurs placements. Pendant ce temps, les hôpitaux ivoiriens restent sous-financés, laissant la population dans une précarité sanitaire alarmante. Le contraste saisissant entre les élites qui se font soigner à l'étranger dans des cliniques modernes et la réalité des hôpitaux ivoiriens une illustration flagrante de l'injustice et de la fracture sociale. Cette pratique non seulement prive le système de santé national de ressources financières qui pourraient être investies dans l'amélioration des infrastructures et la formation du personnel mais elle érode également la confiance de la population envers ses dirigeants et le système de santé public. Elle envoie un message clair : le système de santé national n'est pas suffisamment fiable pour ceux qui ont le pouvoir de le changer.
L'illusion de la proximité géographique : un accès aux soins superficiel
En Côte d’Ivoire, 72 % de la population vit à moins de 5 km d’un centre de santé (www.gouv.ci/ en 2022). Pourtant, cette proximité ne garantit pas un accès aux soins de qualité. Les hôpitaux publics souffrent de manque de matériel et parfois de médicaments. De plus, de nombreux ivoiriens renoncent aux soins faute de moyens financiers. Si 72 % de la population vivent à moins de 5 km d’un centre de santé, ce chiffre masque une réalité bien plus complexe. La proximité physique ne se traduit pas automatiquement par un accès effectif à des soins de qualité. Des centres de santé démunis en matériel essentiel, avec un personnel sous-qualifié et des étagères de pharmacies souvent vides. La distance géographique devient alors un moindre mal comparé à l'inutilité de structures de soins incapables de répondre aux besoins et attentes de la population. Il faut également souligner les déséquilibres liés aux moyens de transport annonçant ainsi, une autre dimension de l’inaccessibilité pour une part considérable de la population.
Une pauvreté persistante qui limite l’accès à la santé
Malgré une baisse du taux de pauvreté à 37,5 % en 2021 (www.gouv.ci), une grande partie de la population vit avec moins de 750 FCFA par jour, un revenu insuffisant pour couvrir les frais médicaux. La Couverture Maladie Universelle (CMU) lancée en grande pompe depuis 2014 peine à atteindre les plus vulnérables, laissant des milliers de familles sans protection sanitaire peine à atteindre les plus vulnérables, laissant des milliers de familles sans protection sanitaire. La diminution du taux de pauvreté devrait être un signe encourageant, si et seulement si, cette diminution est visible par rapport au niveau de la vie et du panier de la ménagère. Mais, elle relève une précarité persistante. Avec des revenus faibles pour de nombreuses familles, comment une famille peut-elle faire face aux dépenses de santé imprévues, qu'il s'agisse de consultations, de médicaments ou d'examens ? La Couverture Maladie Universelle (CMU), est-elle réellement bénéfique ?
Les pratiques ancestrales risquées et les médicaments de rue comme mesure de compensation et d’adaptation aux inconsistances et incohérences d’un système de santé inadapté
Les populations, si elles ne n’achètent pas les médicaments de la rue, s’adonnent à des pratiques ancestrales à haut risque. Ces médicaments de la rue, une « exploitation commerciale et criminelle de la détresse sociale et existentielle des populations, un mécanisme de compensation et d’adaptation aux inconsistances et incohérences d’un système de santé, une Entorse à l’Etat de droit et aux Droits de l’Homme, préjudiciable à la sécurité publique et à la santé publique (Michel Odika), sont l’une des alternatives immédiates. A ODIENNE, des femmes iraient jusqu’à plonger leurs nouveau-nés dans la bouse de vache. En effet, faute de moyen financier, l'incapacité à subvenir à leurs besoins essentiels rend illusoire la possibilité de prévoir et de financer des soins médicaux, même en cas d'urgence. La précarité économique engendre une précarité sanitaire accrue.
Se soigner en Côte d’Ivoire est devenu un privilège plutôt qu’un droit fondamental. Tant que les inégalités persisteront et que les élites continueront à fuir le système de santé national, les populations les plus vulnérables resteront les grandes oubliées. Il est urgent de réformer le secteur de la santé, d’investir dans les infrastructures hospitalières et de garantir un accès équitable aux soins pour tous. Et c’est ce que le président Tidjane Thiam entend mettre en place après le 25 octobre 2025.
Fait à Abidjan, le 18 mai 2025
Dre. KABRAN Estelle
Présidente du Réseau Universitaire des Thiamistes (RUT)