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 S'il y a un prêtre en Côte d’Ivoire qui aimait et admirait particulièrement le Pape François, c'est bel et bien le père Basile Diané, prêtre catholique, journaliste écrivain qui s'est engagé tout récemment directement dans l'action humanitaire. On se souvient qu'il était dans nos colonnes l'un des premiers religieux à défendre l'un des derniers documents du Pape intitulé Fiducia supplicans paru en 2023. Ce document pastoral encadrait et autorisait les agents pastoraux clercs à accorder des bénédictions particulières aux couples de même sexe. Nous l'avons rencontré en visio conférence depuis son centre humanitaire de Bakro dans la commune d'Aboisso.

Qu'est-ce qui vous a marqué dans la vie du Pape François?

Merci pour la compassion. Je suis comme de nombreux catholiques et toute l'humanité même en deuil. Et moi, je l'aimais particulièrement. Sincèrement. Ce qui m'a marqué chez le Pape François, c'est sa simplicité, son humilité et son esprit de pauvreté. Il était facile d'accès et humain comme pas possible. Il n'a pas oublié son passé d'immigré qui a fait qu'il défendait les migrants. Il défendait toutes les personnes en situation de précarité parce qu'il a connu lui-même la précarité. Son pays d’origine, l'Argentine a connu une guerre civile féroce et il n'a plus jamais voulu qu'un pays connaisse encore la guerre. C'est pour cela qu’il prônait la paix allant jusqu'à utiliser un rite soudanais pour demander pardon aux protagonistes de cette guerre. Il s'est agenouillé pour baiser les pieds des belligérants et protagonistes de la guerre au Soudan. Quand je vois la vie de ce pape qui est restée fidèle à son passé et son histoire. Je fais souvent le lien avec ce que la Côte d'Ivoire vit présentement. Voici des dirigeants qui ont lutté contre des formes d'exclusion jusqu'à favoriser une rébellion. Une fois au pouvoir, ce sont eux qui posent de plus grands actes d'exclusion. Bref, je pense qu'il ne faudrait jamais oublier son passé et le Pape François ne l'a point oublié. Il n'a pas oublié les pauvres. Il les a défendus, il a même fait adopter au Vatican de nombreux réfugiés afghans, syriens et d'autres nationalités, sans tenir compte de leur appartenance religieuse. Il avait un style de vie simple qui me touchait. Petite voiture, vie communautaire en compagnie de prêtres et d'évêques (du jamais vu!). Il mangeait au réfectoire avec ses collaborateurs, faisait le rang pour se faire servir le repas (ce n'est pas une légende), il a refusé d’aller en vacances dans la belle résidence papale de Castel Gondolfo qui est désormais ouverte au public et que j'ai eu l'honneur de visiter l'année dernière.

Il se "cachait " pour aller simplement chez son ophtalmologue comme monsieur tout le monde. Plusieurs fois, des touristes ont failli avoir le souffle coupé car en se promenant, ils sont tombés nez à nez sur lui chez son marchand de journaux ou chez son opticien lunetier.

Il allait laver chaque année le jeudi saint les pieds des prisonniers, mangeait avec les migrants, recevait les homosexuels et lesbiennes, tous ceux que la société voulait rejeter et bannir.

Une vie d'amour, de charité et de simplicité, mettant tout ce qu'il recevait au service des démunis du monde entier. De façon discrète pour les pays africains, que de dons n'a-t-il pas fait? C'était un vrai Pape, un vrai homme d'église, un vrai homme de Dieu. Il était unique en son genre.

Qu'est-ce que tout cela vous inspire ?

Un tas de choses. Je pense qu'il va marquer d'une empreinte indélébile la vie de l'église (et je voudrais que cela inspire plus l’église en Afrique) qui doit plus se préoccuper des plus pauvres, des démunis, des laissés pour compte. Le Pape n'a cessé de clamer qu'il voulait une église pauvre au service des pauvres. J'aimais modestement ajouter qu'il fallait une église riche au service des pauvres. Ce que le pape voulait défendre comme idée en réalité et cela me plaisait toujours, c'est en tant qu'église, en tant que prêtres ou évêques, nous devons vivre notre ministère simplement sans rechercher titre, gloire et honneur, sans chercher à vivre dans des palais (il avait démis de ses fonctions automatiquement un évêque allemand qui avait réparé sa baignoire à plus de 80 millions de francs cfa), rouler dans des voitures rutilantes est insultantes face à la misère autour de nous. Il nous a recommandé et cela m'édifiait de ne pas nous asseoir dans nos tours d'ivoire, de ne pas nous couper de la réalité du peuple pour lequel nous sommes consacrés et vers lequel nous sommes envoyés. Il voulait selon ses expressions, une église "en sortie" et il voulait qu'on sente l'odeur de la brebis à notre charge. Il avait l'art des formules chocs et révolutionnaires qui marqueront à jamais mon ministère. Il disait que la confession n'était pas une douane, d'arrêter de jouer les douaniers et d'absoudre le peuple de Dieu. Il disait de pardonner, de pardonner leurs péchés, de faire preuve de miséricorde et d'avoir compassion pour tout homme en difficulté. C'est pour cela que j'ai vite adhéré (même si après la conférence épiscopale de Côte d'Ivoire a émis des réserves légitimes) à tout ce qui touchait à l'accueil et l'accompagnement spirituel des prostituées, des homosexuels, lesbiennes, ceux que la société bannit.

Pour moi, c'est tout cela, l'église de demain, une église de compassion, une église humanitaire. On ne peut pas continuer à vivre et défendre une foi désincarnée et coupée de la réalité du peuple.

On voit bien que vous aimez le Pape. Comment expliquez-vous qu'il ne soit jamais venu en Côte d'Ivoire où il y a une basilique ?

C'est vrai, chaque fois que les Ivoiriens rencontraient le Pape, ils l'invitaient en lui parlant de la basilique. Il était beaucoup taquin, le Pape et il promettait de venir en demandant toujours de prier pour lui. Il le demandait à tous ses visiteurs bizarrement. En fait, la basilique, les grandeurs (souvenez-vous qu'il a décliné l'invitation de toute la France pour venir à l'inauguration de la cathédrale Notre-Dame de Paris préférant aller vivre une fête de piété populaire en Corse, donc juste à côté), ce n'était vraiment pas trop son fort. Il aimait le contact populaire, ne supportant pas les affaires ou cérémonie bling bling avec tout ce qu'il y a de protocolaire. Mais attention, il aimait notre pays dont il connaissait et appréciait le poids du catholicisme et le niveau d'intelligence de ses agents pastoraux. Dans son staff liturgique, dans une proximité édifiante, se trouve un prêtre ivoirien. Dans ses envoyés spéciaux dans le monde (les nonces), se trouve un ivoirien et bien plus, selon des sources bien introduites, touché et édifié par les interventions de Mgr Bessi au synode, il n'a pas hésité rapidement à le créer cardinal. Du coup, la Côte d'Ivoire a deux cardinaux et encore plus, des cardinaux électeurs là où de nombreux pays n'ont même pas un seul. C'est une grosse fierté pour notre pays. Je vous assure que notre pays compte dans le monde religieux catholique et c'est pour cela quand je vois toutes ces scènes indignes (malgré la prophétique et idoine déclaration des évêques) qui entourent la préparation des élections à venir, je suis triste et malheureux. Un pays avec tant d'intellectuels et d'intelligences qui n'est pas capable de trouver des hommes idoines ou des institutions crédibles pour organiser une élection présidentielle, c'est incompréhensible.

Je suis en prière car quand je vois nos cardinaux dans cette assemblée de prestige et je vois aussi dans ce pays, nos manèges d'horreur démocratique, j'ai honte et pitié et je crie avec le psalmiste, « d'où nous viendra le secours humain ? ».

Je confie à la prière de la Côte d'Ivoire notre Saint père, le Pape. Qu'il repose éternellement après avoir tant impacté en 13 ans notre église

Interview réalisée par C.T.